La semaine dernière s’est tenu le quatrième congrès annuel de la CFDT bâtiment et travaux publics (BTP). L’occasion de tirer un bilan local bien plus sombre qu’en hexagone. Alors que le secteur du BTP a le vent en poupe en France métropolitaine notamment grâce aux besoins en structures des Jeux Olympiques et du Grand Paris, et de la transition écologique, la filière réunionnaise constate quant à elle un fort ralentissement des investissements et donc des chantiers. 15% des entreprises de la filière sont en liquidation judiciaire ou en grandes difficultés. Le secteur du BTP réunionnais reste inquiet pour l’année à venir.

Deux tableaux pour un seul pays. La Cdft, qui tenait hier son congrès annuel du bâtiment et travaux publics, dressait le bilan de l’année écoulée, avec une appréhension pour celle qui s’ouvre. “On sent un fort ralentissement des investissements, notamment des collectivités. L’Etat aide moins et nous on le ressent. Pareil pour les entreprises et particuliers, qui, sans aides, construisent moins”, note Johny Lagarrigue, secrétaire général du syndicat. 

Cette baisse des investissements, et donc des chantiers, entraîne la mise en péril des entreprises de la filière. 15% d’entre elles sont en liquidation judiciaire ou en grande difficulté selon le syndicaliste. Plus de 3 000 emplois sont menacés. A cela s’ajoutent les retards pris sur les chantiers, et les désistements “à cause de projets mal montés, ou de problèmes de financement”. Johny Lagarrigue comptabilise 10 contrats abandonnés sur l’île cette année, “pire que l’an dernier”.

À contrepied de l’Hexagone

La conjoncture de la filière réunionnaise tranche avec celle de la métropole. “On fait face à une tension sur l’emploi tellement la demande est forte. Le BTP va super bien, les investissements sont pharaoniques en France et en Europe”, contrebalance Patrick Goudalle, délégué européen du groupe VINCI venu pour le congrès. La branche ne s’est pas portée aussi bien depuis quelques années, grâce notamment aux besoins en structures émanant des Jeux Olympiques et du Grand Paris. Des investissements qui ne concernent donc pas l’île. 

Autre facteur stimulant la branche métropolitaine : la transition écologique. “On a beaucoup de chantiers de rénovation, de construction d’EPR (réacteur nucléaire)… Mais ici, on voit peu d’investissements européens comme le FEDER dans ce sens alors que le chantier est urgent et vaste”, ajoute le syndiqué. Des travaux d’envergure qui nécessitent une forte main d’oeuvre, pourtant en décroissance sur le territoire. 

Avec une moyenne d’âge de 48 ans en métropole, les salariés du BTP appartiennent pour beaucoup à la génération du baby-boom, et s’approchent à grands pas de la retraite. “Il faudra un million de salariés dans tout le secteur d’ici 2025. Sauf que le métier manque d’attractivité, et qu’il va falloir suivre en masse salariale”, soumet Jean-Marc Candille, secrétaire national de la Fédération nationale construction bois.

Une totale déconnexion

Les deux représentants nationaux remarquent qu’à La Réunion, le secteur est plus jeune, mais qu’il est surtout très isolé. “Il y a un manque de liens et d’informations avec la distance. Nous fonctionnons aussi différemment, ici de manière autonome, nous en modèle fédéral, souligne Patrick Goudalle. Malgré des enjeux similaires, les syndiqués réunionnais sont seuls et démunis d’exemples face à des employeurs “pouvant raconter un peu ce qu’ils veulent.” Pour contrer cette lacune, la Cfdt prévoit de signer des accords de coopération et de dresser d’ici mardi une feuille de route avec les syndicats nationaux.

“En métropole, on se bat pour intégrer la chaleur à l’accord sur les intempéries. Pas ici, alors qu’ils sont concernés”, regrette Jean-Marc Candille. “Nous allons l’instaurer aussi”, assoit le secrétaire général réunionnais, qui veut davantage s’appuyer sur ses homologues. A La Réunion, la convention collective du BTP n’est pas exactement la même que celle du territoire métropolitain, des spécificités locales ne le permettant pas.

Le secteur du BTP réunionnais et ses plus de 20 000 salariés compte s’appuyer sur ces liens renforcés pour améliorer leurs conditions d’exercice. Avec, comme horizon, une reprise espérée des investissements et des chantiers.